"Startup" n'est pas une excuse

With @loicdesroc we are building our own business, around authentication. We both worked 10 years as employees in different companies. When we started please-open.it many people told us : "you start your startup !" We need to clarify things around "startups". A keyword for many years, a word often used to justify anything. We wrote it in french because it is all about french perception about startups.

Pourquoi ?

Notre président E. Macron a dit : “nous voulons une startup nation !”. Et devinez quoi ? Tout le monde veut absolument faire une “ <mettre un buzzword ici > valley”. Sommes-nous en train d’essayer de faire une pâle copie du modèle américain ? Le gouvernement a créé de sérieux avantages et des aides pour aider les gens à entreprendre. Mais il y a une ombre au tableau. Désormais, n’importe quelle idée et n’importe quelle boîte qui démarre est appelée “startup”. Et maintenant, “startup” est devenu plus qu’une mode. Chaque mauvaise décision, chaque erreur est justifiée par : “c’est ça les startups”. Revenons aux bases et essayons de clarifier un peu les choses...

C’est quoi REELLEMENT une startup ?

Il existe des définitions claires du terme “startup” : “A startup or start up is a company initiated by individual founders or entrepreneurs to search for a repeatable and scalable business model.” https://en.wikipedia.org/wiki/Startup_company

“A startup is a company working to solve a problem where the solution is not obvious and success is not guaranteed,” https://www.forbes.com/sites/natalierobehmed/2013/12/16/what-is-a-startup/

"an organization formed to search for a repeatable and scalable business model." https://www.businessinsider.com/what-is-a-startup-definition-2014-12?IR=T

Alors ? Si quelqu’un lance son propre business est-ce qu’il est nécessairement en train de créer une startup ? NON DEFINITIVEMENT NON ! Une expression commune dans toutes les définitions parle de “business model répétable et scalable” (désolé pour les anglicismes). Un bon exemple récent c’est Uber. Au delà de la création d’une société, ils ont créé un nouveau business, et surtout un business qu’ils ont pu faire grossir en s’étendant au maximum. La rentabilité et le développement, c’est un autre sujet. Alors est-ce qu’un énième nouveau capteur de température justifie une startup ? Démarrer un business sur un marché existant n’est pas nécessairement une mauvaise idée s’il y a de la place pour la concurrence. Mais est-ce une startup ?

“Le succès n’est pas garanti” mais l’échec non plus. Des fois, on voit d’étranges idées “révolutionnaires” sans aucun business model, sans aucun but ni rien. Il faut Garder en tête qu’une startup est avant tout une société, et que le but d’une société c’est de faire de l’argent.

Ne jamais oublier les bases

Il y a des bases immuables. Que ce soit les bases comptables de la gestion de n’importe quelle société, les charges que vous allez devoir payer (même avec les exonérations les premières années) elles seront là que vous le vouliez ou non. Ce n’est pas l’objectif de ce papier de dénoncer et de débattre des charges d’entreprise très élevées en France, d’autres (plus fins connaisseurs que moi) ont déjà largement alimenté les débats et proposé des choses. On le sait, c’est politique, c’est en France, c’est comme ça. Connaissant ce fait de base, on sait toujours qu’il faut rentrer des k€ tous les mois pour pouvoir faire vivre la structure de ses frais de fonctionnement.

Les grands groupes, les grosses structures n’ont pas la même réactivité dans la prise de décision (et aussi dans le paiement) que les petites boites. On le sait, nombre de grosses structures ont fait couler des petits par des décisions politiques, des mois sans payer les produits ou les prestations, des changements de cap à 3 ans. Mais, j’y peux rien, vous n’y pouvez rien. C’est une vérité absolue même si elle dérange. En gros, la règle des 5 C : C’est Con mais C’est Comme Ca.

Il en est de même pour les structures publiques. Même si certains essayent de montrer une forme de bonne volonté pour améliorer les choses, pour aller vers la nouveauté il reste quoique vous fassiez des décisions politiques derrière ça. Et la décision politique n’est jamais rationnelle mais toujours intéressée. Et si par malheur vous vous lancez sur ces marchés, vous serez dépendants des changements de personnes et des élus notamment de manière régulière, à savoir à chaque mandat. Cela pourrait faire l’objet d’un papier entièrement consacré à ce sujet, mais, pas maintenant.

Parfois, la bonne idée ou la bonne volonté n’est pas en phase avec la création d’une entreprise ou d’une société. Il faudra forcément rentrer de l’argent et avoir une rentabilité. Certaines oeuvres (utiles, voire même nécessaires de nos jours) ne peuvent pas fonctionner derrière une structure entrepreneuriale, à commencer par tout ce qui a un caractère caritatif.

Il ne faut jamais oublier la gestion d’entreprise. Ce sont des cours d’université ou d’études supérieures, des discussions avec votre comptable ou encore la prise de recul pour prendre des décisions stratégiques. C’est garder un oeil en permanence sur le compte de la boite, sur les factures émises, sur les entrées d’argent qu’il faut assurer coûte que coûte. Donc derrière n’importe quelle idée, il faudra se demander comment on pourra gagner de l’argent avec. La bonne idée en entreprise est avant tout celle qui rapporte.

Votre succès n’est pas le succès de votre business (et vice versa)

Elon Musk, c’est Elon Musk. C’est un personnage, une certaine icône du monde entrepreneurial actuel mais cela reste une exception sur cette planète, surtout si on regarde son parcours impressionnant (x.com, paypal, Tesla, SpaceX…) et cela fait plusieurs décennies maintenant qu’il entreprend. On peut parler aussi de Steve Jobs, de sa vision, ses présentations mémorables et ses produits qui ont changé le monde ou encore Jeff Bezos. Et en France, Xavier Niel, Octave Klaba, Stéphane Richard, Carlos Tavares, Alexandre Bompard… les noms de célébrités à la tête d’une ou plusieurs boîtes (voire empires) ne manquent pas. Mais se font-ils connaître pour leur personnalité ou les performances de leurs entreprises respectives sur leur marché ? Leur “célébrité” est due entièrement à la performance de leurs structures, et il y a forcément une tête de gondole et donc leurs noms finissent par apparaître.

Croire à un succès personnel, voire à une forme de célébrité grâce à l’entrepreneuriat est la pire erreur. Beaucoup tombent dans le piège des interviews, des salons à ne plus en finir, des médailles et autres récompenses sans intérêt. Voire même pour certains cas avoir la possibilité de “régner” sur des employés est une grande motivation. A croire que monter une startup aujourd’hui c’est du même niveau que faire une télé réalité…

“Startup” ne justifie rien

Rentrons dans le vif du sujet et la dénonciation de ce papier. Tous ceux qui ont fait ou qui sont en train de monter une boite avec un projet connaissent bien la galère. On cherche, on retourne le truc dans tous les sens, on fait des expérimentations, on teste sur des clients potentiels puis on pivote. Et parfois, l’idée arrive sur quelque chose qui remet en question l’existant, une manière de faire industrielle ou mieux encore, la vie de tous les jours de monsieur et madame tout le monde. Là on part effectivement sur un début de concept de startup à proprement parler, CF la définition.

On cherche des financements comme on peut, prestas, conseils, services, emprunts, business angels, levées de fonds… C’est le dur rappel à la réalité de l’entrepreneur, s’en sortir financièrement tout en essayant d’investir sur un produit ou une idée. Puis cette idée doit devenir réalité, avec une équipe, avec des gens (dévoués ou non) compétents dans leurs domaines respectifs travaillant de concert dans la même direction. D'ailleurs les fondateurs oublient souvent que les salariés n'ont pas la même motivation qu'eux : pas le couteau sous la gorge des comptes de fin de mois, mais aussi pas de jackpot si ça marche. Et là déjà, ça commence à merder un peu. Ca peut vite devenir le fouillis, voire le bordel.

Sacro-sainte agilité

Et tout le monde avance le même argument : “on est une startup agile”. L’agilité, c’est pas faire n’importe quoi n’importe quand et changer les règles comme on en a envie. Pourtant, énormément de dirigeants ou managers croient ça parce que le nom fait penser à ça.

https://agilemanifesto.org/

Si on ne sait pas où on va, on est pas prêt d’y arriver et cela peu importe la méthode. Et ne pas diriger une équipe vers une direction donnée amènera systématiquement à l’échec. Agilité ou pas.

Sur place en openspace, en sous-traitance ou en télétravail : même combat

L’éloignement géographique ne devrait pas être un problème. Des sociétés entières ont basé leur modèle sur du télétravail. L’openspace est-il (enfin !) en train de mourir ? Espérons-le. Il existe plein d’études autour des openspace et de leurs limites surtout au niveau de la communication. Chez vous, si vous êtes en openspace, essayez de compter le nombre d’informations qui passent oralement et celles qui passent par le slack dans une journée. C’est assez flippant.

Et donc si les informations passent par le réseau, être dans la même pièce ne semble plus trop avoir d’intérêt. Pourtant, le télétravail a encore du mal à arriver là où il pourrait l’être. Et à force de discuter avec certains, le constat est assez alarmant. Avoir absolument une présence physique d’un salarié ou d’un sous-traitant est parfois signe d’un manque cruel de contexte et d’objectifs de travail sur un projet. On pense que l’avoir sous la main permettra de faire des changements de dernière minute, la fameuse “flexibilité” permise par l’agilité. Et un projet, qu’il soit développé en télétravail, en openspace ou en bureaux individuels, s’il n’est pas spécifié à la base, il ira nul part.

Essayez donc de vous poser la question sur vos projets respectifs si vous pourriez mettre l’ensemble de votre équipe en télétravail. Si vous ne le pouvez pas, adaptez vous pour y arriver. Le but, c’est que chacun puisse travailler en autonomie.

Et justifier le changement de dernière minute sur l’entièreté d’un projet auprès du seul développeur de la boite en lui justifiant : “non mais c’est ça les startups” devrait le faire fuire au plus vite.

Structure, structurer et structurant

Là, ce n’est pas relatif au monde du logiciel ni même de l'entrepreneuriat tout court mais du vivre ensemble. On le sait que quoiqu’il arrive, si on demande l’avis de chacun dans un groupe, tout le monde le donnera et ça sera forcément une source de tensions. Et comme vu précédemment, c’est encore la règle des 5 C qui s’applique. Le mieux à faire étant de la prendre en considération et de faire avec, de toute façon il n’y a pas le choix. Toute entité fonctionnant à plusieurs est forcément structurée où chacun a un ou des rôles définis en fonction, notamment, de ses compétences. L’exemple parfait, et bien français, se passe dans la cuisine d’un restaurant.

S’il est bien un endroit où chacun est à sa place pour assurer un coup de pression, c’est là. Le “travailler ensemble” existe bien, avec pourtant chacun à sa place, à son poste, sur ses responsabilités vis-à-vis d’un projet. Devons-nous alors gérer nos équipes comme une brigade de cuisine ? Peut être, peut être pas. Mais s’en inspirer un peu pourrait peut être amener à des réflexions et des évolutions intelligentes amenant à une efficacité plus importante sur les projets. Savoir où l’on va, pour qui et comment est vital dans un travail d’équipe. Et l’ensemble du projet s’adapte aux besoins en temps et en ressources de chacun. Et ça donne quoi : un plat chaud, parfaitement cuit, bien accordé avec sa sauce et ses accompagnements. Allez manger dans un grand restaurant, déstructurez l’assiette qui vous est apportée en fonction des personnes qui sont intervenues dessus, cela vous fera une idée.

Si vous définissez toujours des cadres clairs, cela servira toujours de base pour la suite :

• Calculer et constater un avancement de projet et donc une date de livraison
• Savoir qui fait quoi
• Prendre des décisions rationnelles, où seuls les gens ayant un réel avis sur la question prendront part aux décisions
• Embaucher, gérer un turnover ou même prendre de la sous-traitance.

Ne pas structurer n’est pas une excuse de “c’est comme ça les startups”. La structure ne peut clairement pas être la même que dans un grand groupe ne serait-ce que par les moyens financiers mis en oeuvre, c’est une évidence. Mais certaines formes de structuration ne sont pas question de moyens : modes de communication, prise de décisions arbitraires, spécifications écrites, documents. Et plus vous serez nombreux, plus la structuration sera importante. C’est une forme d’investissement pour l’avenir.

L’absence de structuration quelle qu’elle soit, c’est juste une équipe en roue libre.

Le respect avant tout

Quel développeur ne s’est pas vu proposer un “super poste CTO dans une startup en devenir”, mais avant d’être payé il faudra avoir des résultats, manger des pâtes et se contenter de la reconnaissance du CEO fondateur, sorti de l’école ?

Qui n’a pas vu des postes de “Dev Ops Full Stack”, réparation des imprimantes et astreintes comprises pour 25k€ ?

Garder des objectifs réalisables avec les moyens (matériels, financiers et compétences) à disposition fait partie du respect que l’on aura envers ceux avec qui on va travailler. Et la vie de startup (ou n’importe quelle autre structure) ce n’est pas de bosser de manière acharnée pour un projet que l’on porte à bout de bras tout en perdant ses cheveux, sa vie sociale et en y laissant la santé. De toute façon, cela ne peut pas durer.

Cela fait partie des règles de base : verser un salaire à ses employés, payer les prestataires à hauteur de ce qui a été promis et signé. Si la promesse ne peut être tenue, il n’y a pas d’excuse : celui qui a signé est fautif. Et ne pas pouvoir payer ses fournisseurs ou ses salariés ce n’est pas “les startups c’est comme ça”, c’est une erreur grave de gestion.

Mais ne baissez pas les bras

Lancer une boite et même une startup n’est pas voué à l’échec, et fort heureusement. Vouloir changer le monde, ou du moins son monde est une ambition qui peut être atteignable comme certains ont pu le démontrer déjà.

Vouloir passer à côté de la réalité en est une autre. Ne vous faites pas aveugler par des réussites extraordinaires et exceptionnelles, n’essayez pas de copier une soit disant recette du succès. Si elle existait réellement cette recette, le taux d’échec avoisinerait les 0%.

Vos plus grands défis ne seront pas forcément là où vous penserez les trouver. Faire travailler des gens ensemble sera un des plus gros objectif. Trouver des fonds, arriver à facturer une idée, sortir des fonctionnalités ou des produits à temps ça sera facile à coté. Restez maitre de votre boite, de vos manières qui font que vous réussirez par vous-mêmes et ne vous laissez pas embarquer dans des considérations, des 'on dit' et des gens sortis de nulle part avec des supers manuels de l'entrepreneur.

Faites les choses pour vous, suivez votre instinct et vos observations.

Stay hungry, stay foolish